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The effects of loyalty program introduction and design on shortand
long-term sales and gross profits

Chaudhuri Malika, Voorhees Clay M., Beck Jonathan M (2019) – Journal of the Academy of Marketing Science 47 (4): 640-658 – Synthèse par Agathe Maury.

Sujet traité
Les programmes de fidélité sont définis dans cet article comme des investissements en marketing destinés à entretenir la fidélité comportementale des meilleurs clients d’une entreprise et, à terme, d’augmenter la performance de l’entreprise. C’est une stratégie marketing qui offre des bénéfices mutuels à l’entreprise et à ses clients : le client bénéficie d’un accès privilégié à des gains additionnels afin de le récompenser de ses achats, quand l’entreprise expérimente une hausse de sa profitabilité due à la loyauté grandissante de ses clients ; loyauté entretenue vertueusement par les programmes de fidélité. Les gains sont donc mutuels.
La présente enquête examine la mesure dans laquelle l’introduction d’un programme de fidélité peut augmenter les ventes de l’entreprise et son bénéfice brut sur le court terme et le long terme, entraînant de facto une amélioration globale de la performance. L’étude se fonde sur une orientation plutôt financière du point de vue de l’entreprise.
En effet, il existe très peu de preuves empiriques et de travaux académiques suggérant qu’un programme de fidélité peut améliorer la performance d’une entreprise. En l’absence de ces preuves, la plupart des spécialistes conseillent aux entreprises de ne pas nécessairement mettre en place de programmes de fidélité. De fait, leur introduction implique des coûts élevés en investissement, une hausse potentielle des coûts des biens vendus et souvent de trop fortes dépenses affichées dans le bilan comptable.
Cette étude a donc été menée pour combler le vide scientifique et empirique quant aux bénéfices qu’un programme de fidélité peut apporter sur la performance globale.
Questions de recherche
Six hypothèses de recherche ont été élaborées et une méthodologie a été retenue par les enquêteurs, permettant à ces derniers de confirmer ou d’infirmer les propositions avancées, via l’enquête.
Tout d’abord, il est suggéré que l’introduction d’un programme de fidélité a un impact positif sur les ventes d’une entreprise sur les courts et longs termes.
Son introduction devrait également avoir un impact positif sur le bénéfice brut sur les courts et longs termes.
Par ailleurs, les ventes et le bénéfice brut seraient d’autant plus stimulés sur le long terme par l’introduction d’un des trois types de fidélité suivants : un programme ” with tiers “, ou Club Client, c’est-à-dire avec une segmentation entre les meilleurs et les moins bons clients (via par exemple une carte gold, silver etc…), avec un programme par capitalisation avec un ” earning mecanism ” — ou mécanisme de gain (système de points, cadeaux, etc…) — et enfin avec un programme avec des frais d’adhésion.
Enfin, dernière hypothèse, les effets positifs de long terme sur les ventes et le bénéfice brut d’un programme seraient réduits lorsque le programme présente simultanément un mécanisme de gain avec système de ” tiers “, ou encore un système de « tiers » avec des frais d’adhésion, (et vice versa).

Méthodologie
L’enquête a été menée en collectant des données de 322 entreprises qui ont introduit un programme de fidélité entre 2000 et 2015. Ces données ont été comparées aux résultats financiers de 1494 entreprises, appelées ” entreprises de contrôle “, qui n’ont pas introduit de programmes de fidélité, afin d’estimer l’impact réel sur la performance. Toutes les données ont été tirées des entreprises listées publiquement sur la Bourse Américaine.
Les auteurs ont appliqué une définition stricte des programmes de fidélité pour en faire un critère de sélection des entreprises : (traduit en français) : ” les programmes de fidélité sont des programmes incitatifs offerts par un détaillant pour récompenser les clients et les encourager à réitérer leurs achats “. Partant de cette définition, les entreprises ont été sélectionnées si l’objectif de leur programme est d’entretenir la loyauté comportementale des clients, si les clients doivent explicitement s’inscrire ou devenir membres du programmes pour en tirer les bénéfices, et si les programmes apportent des récompenses ou services additionnels aux clients inscrits.
L’échantillon des entreprises s’est porté sur cinq secteurs préalablement identifiés et sélectionnés par les auteurs : le retail (ou vente au détail), le divertissement, l’hôtellerie, la télécommunication et information, et enfin l’alimentation et la boisson ; puis le tout a été subdivisé en 35 industries.
Enfin, les entreprises ont été classées selon leur type de programme de fidélité : avec ” tiers ” (44.10% d’entreprises), avec un mécanisme de gain (48.76%), et/ou avec des frais d’adhésion (10.55%).

Principaux résultats
Les résultats soulignent le fait qu’introduire un programme de fidélité peut augmenter les ventes et le bénéfice brut sur le court terme (défini comme étant la première année suite au lancement du programme), et que ces effets durent sur le long terme (pour au moins trois ans). Le programme de fidélité doit être maintenu sur au moins cinq ans pour avoir des effets durables. Néanmoins, la hausse du bénéfice brut n’est significative qu’à partir du deuxième trimestre et son impact sur la performance globale est bien moindre que celle qui s’exprime par les ventes. Sur la première année, les ventes totales accusent en effet une hausse de 7% et le bénéfice brut de 6%. Trois ans après, les ventes enregistrent une hausse de 11% et le bénéfice brut de 6%.
De plus, les résultats révèlent qu’un programme de fidélité ” with tiers “, et ceux avec un mécanisme de gain peuvent
augmenter significativement la performance d’une entreprise sur les court et long termes. En effet, les ventes et le bénéfice brut enregistrent une hausse additionnelle quand les programmes utilisés sont des programmes ” with tiers ” ou avec un mécanisme de gain. Quant aux frais d’adhésion, ils permettent une hausse immédiate des ventes, mais cette hausse est vite freinée sur le long terme par les coûts induits, ce qui ne permet pas au système retenu d’être un constant moteur du profit.

Implications managériales
Cette étude peut servir de justification pour convaincre les managers de mettre en place des programmes de fidélité, représentant un investissement marketing solide car pouvant augmenter les ventes et le bénéfice brut.
L’étude suggère aussi que les programmes de fidélité sont des investissements de long-terme qui invitent les managers à viser un horizon long dans leurs stratégies de fidélisation des clients. Les résultats induits sur la performance globale ne sont pas immédiats, mais portent en revanche sur au moins cinq ans lorsque les programmes de fidélité sont maintenus jusque-là.
Par ailleurs, les résultats de l’étude peuvent orienter les entreprises en les aidant à choisir quel type de programmes elles souhaiteraient lancer selon les types de résultats qu’elles attendent.
Un programme avec un mécanisme de gain par exemple augmente rapidement les ventes et le bénéfice brut ; à l’inverse, additionner ces mécanismes à un système de ” tiers ” n’entraîne pas nécessairement un doublement des bénéfices financiers. Les résultats de l’étude doivent donc inviter les managers à réfléchir précisément à leurs stratégies de fidélisation.
Au-delà des implications managériales, les résultats de l’étude fournissent également des implications théoriques : si les programmes de fidélité apparaissent comme un ferment de l’avantage compétitif pour les entreprises sur le plan financier, ils permettent aussi aux entreprises de détenir un avantage relationnel. En effet, les entreprises accumulent de plus en plus de données sur leurs clients via leurs programmes de fidélité ; ce qui leur permet de les utiliser pour affiner plus encore leurs programmes.

Limites
L’enquête présente néanmoins quelques limites. L’étude a été menée uniquement sur des grosses entreprise dont les données étaient diffusées publiquement sur la Bourse Américaine ; d’où l’intérêt de réitérer l’enquête sur des plus petites entreprises pour vérifier — ou non — que les résultats sont les mêmes.
Par ailleurs, le modèle développé par les auteurs n’explicite pas précisément les mécanismes par lesquels les programmes de fidélité augmentent les ventes et le bénéfice brut. Il est supposé que ces hausses s’expliquent par une amélioration des relations entreprises clients et une hausse, dès lors, des dépenses des membres. Aussi, conviendrait-il dans une prochaine étude de tester empiriquement les mécanismes précis expliquant la hausse de la performance d’entreprise par les programmes de fidélité.

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