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L’expérience client : conceptualisation, enjeux et perspectives

Cette recherche s’intéresse à l’intérêt et à la difficulté d’appréhender et de mesurer le concept d’expérience client pour les entreprises.

Rolland (S.), «L’expérience client : conceptualisation, enjeux et perspectives», L’état des entreprises, 2015

1- Sujet traité
Cet article vise à éclairer le concept d’expérience client en y introduisant un volet émotionnel non traité auparavant dans les notions de marketing transactionnel et relationnel. Cette recherche met en avant les étapes clés de l’expérience client, de la pré à la post-expérience en s’interrogeant sur la capacité de mémorisation de cette expérience et étudier son impact sur l’acte d’achat. Un second volet de l’article traite de la gestion de l’expérience client par les entreprises et de leur intérêt à entretenir une relation mutuellement bénéfique et sur le long terme avec leurs clients. Pour cela, l’article expose un modèle de pilotage efficace, étapes par étapes, pour offrir au client un niveau continu de qualité d’expérience dans tous les points de contact.

2- Questions de recherche
Les principales questions de recherche qui sont traitées dans ce texte sont les suivantes : Dans quelle mesure l’entreprise peut-elle jouer un rôle actif pour produire, améliorer et contrôler l’expérience client ? On cherche à comprendre les enjeux du management de l’expérience client pour les entreprises, c’est-à-dire de savoir si l’entreprise à un intérêt à mettre cette thématique au centre de sa stratégie.

La deuxième question qui en découle est la suivante : comment l’entreprise peut gérer de la manière la plus optimale possible cette stratégie ? On va donc tenter de comprendre les outils nécessaires au contrôle et à la gestion de la relation client.

3- Conclusions de l’article
Il existe bien un intérêt et un investissement croissant de la part des entreprises concernant le marketing expérientiel dans le but de se différencier et de fidéliser ses clients. La vie d’un consommateur est la somme d’expériences transactionnelles, relationnelles et émotionnelles avec l’entreprise. Des études comme celles menées par Yang et He en 2011 montrent l’impact direct de l’expérience sensorielle, émotionnelle et sociale sur l’intention d’achat. Cette stratégie nécessite la définition d’un business model précis et l’implication de l’ensemble de l’entreprise à tous les niveaux hiérarchiques. Schmitt évoque un processus complexe qui peut se définir « comme un ensemble de cadres, d’outils et de méthodologies pour gérer l’expérience client « multi-canale », durant les différentes transactions et interactions avec une entreprise, un produit, une marque ou un service ». Or, aujourd’hui les entreprises ont tendance à privilégier des actions individuelles ponctuelles avec leurs clients alors que l’expérience client nécessite une vision plus globale.

Le Customer Relationship Management, ou gestion de la relation client, a pour but de créer et d’entretenir une relation mutuellement bénéfique entre une entreprise et ses clients à long terme. Cela permet d’améliorer l’expérience client. C’est notamment le cas de EDF qui a mis en place une stratégie multi-canale avec un dispositif « 360° » qui met en relation les centres de relation client, les boutiques, le site Web, les applications mobiles ou encore la plateforme communautaire. Les clients ont la possibilité de contacter l’entreprise 24h/24, 7 jours /7, les boutiques sont de réels lieux d’interaction et les conseillers ont été formé aux services en ligne.

Le pilotage de l’expérience client requiert une connaissance fine du parcours client au sein des différents canaux de distribution selon le type d’interactions et le degré de participation du client à l’expérience. Cette connaissance peut s’acquérir par observation et recoupement avec les données CRM. Dans tous les cas, la gestion de cette expérience demande un partage des informations en interne.

4- Implications managériales
Il n’existe pas encore de modèle consensuel de mesure de la qualité de l’expérience client. Compte tenu de cette difficulté à mesurer l’expérience client, de nombreux chercheurs se sont tournés vers les techniques qualitatives, optant alors pour une approche compréhensive, envisagée comme seul moyen de comprendre réellement l’expérience selon la perspective du client. Du côté des entreprises, la mesure de l’expérience client est souvent appréhendée grâce à la mesure de la satisfaction client ou de son dérivé, le Net promoter score (outil de mesure de la propension des clients à recommander un produit ou une marque, mis au point par Frederick F. Reichheld). Il semble néanmoins essentiel pour la recherche de sortir du modèle bipolaire, opposant la satisfaction (l’enchantement) à l’insatisfaction (la frustration) durant l’expérience client. Un individu peut être satisfait de certains éléments et insatisfait d’autres éléments. De même, il est souhaitable que la
recherche s’oriente vers une analyse plus approfondie de la dimension temporelle de l’expérience client. Cela permettra de comprendre les antécédents ou les effets à plus long terme des stimuli des marques sur l’acte d’achat du client.

5- Méthodologie
Cette étude est un travail de synthèse de diverses recherches sur l’expérience client au fil des années. Elle s’appuie sur des auteurs comme Holbrook et Hirschman qui définissent en 1982 le concept de «marketing expérientiel» comme «un état subjectif de conscience accompagné d’une variété de significations symboliques, de réponses hédonistes et de critères esthétiques ». Schmitt évoque en 1999 cinq aspects de l’expérience : sensoriel, émotionnel, cognitif, comportemental et relationnel. Gentile s’intéresse en 2007 aux niveaux sensoriel, émotionnel, rationnel, physique et spirituel. Verhoef s’intéresse en 2009 aux aspects affectif, émotionnel, cognitif, physique et social. L’étude se base sur l’évolution de ce concept de marketing expérientiel pour les entreprises.

6- Limites
Cette étude montre que l’expérience client est un des indicateurs de performance de l’entreprise. Or, le fait de placer l’expérience client au coeur de la stratégie de l’entreprise ne permet pas d’améliorer tous les leviers de croissance de celle-ci. De plus, la participative active du client dans le processus expérientiel de l’entreprise, présente le risque d’une trop grande ou trop rapide intégration de ce client dans le business model de l’entreprise au nom de la co-création propre au marketing. Or, il y a une réelle incertitude quant aux effets de la contribution du client
dans le processus de l’entreprise avec un risque de perte de latitude stratégique si on laisse trop de pouvoir décisionnel aux clients.

Verhoef note aussi le risque de perte des consommateurs en différenciant trop l’offre proposée par une personnalisation excessive de l’expérience qui bouleverse les codes de consommation auxquels les consommateurs les plus fidèles s’étaient habitués.

Il y a enfin un problème éthique dans le sens ou la marque rentre dans l’intimité du consommateur en cherchant à lui faire vivre de nouvelles expériences qui peuvent faire appel à des capteurs sensoriels et à des émotions profondes chez le consommateur. La gestion de l’expérience client au sein de l’entreprise est donc une histoire de dosage à maîtriser au mieux pour qu’elle soit créatrice de valeur pour cette dernière.

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