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Why organizational loyalty programs cannot prevent switching

Journal of Services Marketing, 34 (2): 207-222 – HMattison Thompson, F. and Tuzovic, S (2020) – synthèse par Clara Brun.

Sujet traité
Les entreprises, et les organisations en général, évoluent dans un contexte de plus en plus compétitif où la rétention de la clientèle est la clé du succès ; en effet il est moins couteux pour une entreprise de conserver ses clients grâce à des actions marketing (du type programme de fidélité) que d’en acquérir de nouveaux. Toutefois, malgré la mise en place généralisée de programmes de fidélité offrant des avantages au consommateur, les chercheurs observent une tendance volatile de la part du client qui peut rapidement se tourner vers la concurrence malgré l’appartenance à un programme de fidélité. En effet, l’article souligne que le taux moyen de rétention clientèle au niveau global se situe un peu en dessous de 14% mettant l’accent sur le fort taux d’attrition auquel sont confrontées les organisations.
Un programme de fidélité est ici défini comme ” un programme façonné dans le but de stimuler des comportements de ré achat dans les secteurs rentables et générer de la fidélité clientèle*** “. Les chercheurs soulignent également qu’un programme de fidélité est censé créer des coûts à la sortie afin que le client ne se tourne pas vers la concurrence lors de son habituel calcul ” coût vs bénéfice ” en tant qu’individu « rationnel ». Les coûts représentent notamment le temps consacré à la recherche d’information sur la concurrence, la perte d’avantages économiques ou sociaux liés à l’appartenance à un programme de fidélité etc.

De plus, cet article a choisi d’étudier la volatilité des consommateurs en prenant en compte leur profil individuel de valeurs en fonction du pays dans lequel ils vivent. Un programme de fidélité étant caractérisé par « les efforts d’une entreprise pour construire des liens attitudinaux et comportementaux avec les clients à travers des techniques de construction de fidélité », il semble logique de se questionner sur le rôle des valeurs individuelles. L’article se questionne ainsi sur deux des quatre dimensions de la culture selon Hofstede : le degré d’individualisme/collectivisme et le degré de contrôle de l’incertitude.
Dans un contexte de préférence temporelle pour le présent avec un client qui préfère une récompense immédiate plutôt que sur le long terme, cet article se questionne sur l’impact des valeurs individuelles de chacun et sur le rôle de la confiance et de l’affectif dans l’adhésion à long terme à un programme de fidélité spécifique.

*** Bolton, R.N., Kannan, P.K. and Bramlett, M.D. (2000), “Implications of loyalty program membership and service experiences.
for customer retention and value”, Journal of the Academy of Marketing Science, Vol. 28 No. 1, pp. 95-108.
*** Kwiatek, P., Morgan, Z. and Baltezarevic, R. (2018), “Actions speak louder than words: understanding the meaning of
loyalty program building blocks”, Economics & Sociology, Vol. 11 No. 2, pp. 305-319.

Questions de recherche
L’interrogation principale de cet article réside dans le fait de savoir dans quelle mesure un programme de fidélité peut détourner le client de son envie de « passer » à la concurrence. Cette question est appréhendée au travers du prisme des valeurs individuelles de chaque individu ; notamment de leur degré d’individualisme et leur degré d’aversion au risque et à l’incertitude en général. Les chercheurs enquêtent notamment sur la manière dont les valeurs citées précédemment influencent la confiance et l’engagement affectif qui sont deux variables importantes quant à l’adhésion à long terme à un programme de fidélité.

Méthodologie
Les chercheurs ont conduit une expérience ainsi qu’un sondage afin de tester leurs hypothèses. Ils ont choisi d’étudier différentes nationalités afin de comprendre l’impact du corpus de valeurs individuelles sur la fidélité : le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine (des nouveaux marchés attractifs pour les entreprises) et l’Allemagne (un marché déjà mature). Ils ont choisi d’étudier une population d’étudiants volontaires dans la meilleure université de chaque pays concerné par l’étude. Ainsi, les répondants ont un âge moyen de 21 ans et sont composés à 45,7% de femmes qui sont donc légèrement minoritaires.

  • Expérience
    Un budget similaire a été donné à chaque étudiant pour s’acheter du dentifrice. Ensuite, pendant 20 achats successifs, 5 vendeurs différents proposant chacun un programme de fidélité ont été présentés à chaque fois ; chacun d’entre eux proposant une récompense différente que ce soit dans la forme ou dans le temporalité.
    Le but étant de voir combien de fois le participant a changé de programme de fidélité sur les achats 11 à 20 ou, si au contraire, il est resté fidèle à un programme de fidélité malgré un dentifrice plus cher que chez la concurrence.
  • Sondage
    Afin de compléter l’expérience, un rapide sondage a été proposé aux répondants. Celui-ci était destiné à évaluer, notamment, la confiance et l’attachement émotionnel envers le programme de fidélité. De plus, il a évalué la préférence de chacun pour ” l’individuel ” ou le ” collectif ” afin d’appréhender l’impact de ces valeurs sur l’attachement à un programme de fidélité spécifique.

Principaux résultats
Les quatre hypothèses développées dans l’article peuvent êtres divisées en deux groupes distincts :

  • Les deux premières portent sur la confiance et l’engagement affectif comme levier positif de l’engagement sur du long terme à un programme de fidélité.
  • Les deux dernières étudient l’impact des valeurs personnelles (individualisme/incertitude) sur la confiance et l’engagement affectif envers un programme de fidélité et donc, in fine son engagement à long terme dans le cadre d’un programme de fidélité spécifique.

Les résultats ont prouvé que la confiance et l’engagement affectif sont deux variables importantes en ce qui concerne l’adhésion à long terme à un programme de fidélité et donc du point de vue de la consistance de la fidélité à une seule entreprise. La construction d’un sentiment de confiance est indispensable pour les entreprises : en effet, si le client a confiance, le risque perçu de ne recevoir une récompense qu’à long terme (et non directement) s’amoindrit et il aura tendance à rester fidèle au programme de fidélité au sein duquel il s’engage. La construction de l’engagement est également très importante puisque si le client aime la marque, il sera plus enclin à se transformer en ambassadeur et à diffuser des opinions positives sur le produit et sur la marque en général autour de lui.
Les résultats confirment également les deux dernières hypothèses : des consommateurs fortement caractérisés par une aversion au risque vont avoir tendance à rester fidèle à un programme de fidélité sur le long terme (exemple : cette tendance s’est retrouvée auprès des consommateurs brésiliens). Au contraire, des consommateurs qui ne redoutent pas l’incertitude auront tendance à se tourner plus facilement vers la concurrence pour avoir une récompense dans le présent même si cela inclut des coûts des recherche d’information et des risques du fait qu’il n’existe pas encore de relation de confiance entre l’entreprise et son client.

Enfin, les résultats ont également prouvé que des individus ayant des valeurs collectives fortes vont avoir tendance à se référer à leur groupe d’appartenance et, donc, à être moins ” libres ” de leurs choix ; ainsi, si le groupe veut se tourner vers la concurrence ou s’il n’approuve pas le choix de l’individu, ce dernier aura tendance à être volatil et à se détourner de l’entreprise avec laquelle il est pourtant relié par un programme de fidélité.

Implications managériales
L’implication managériale majeure de cet article réside dans l’importance qui doit être accordée à la segmentation et à la culture lors de l’implantation d’un programme de fidélité : chaque individu répond à des stimulus différents en fonction de sa culture et de ses valeurs et n’aura donc pas la même vision ni la même approche d’un programme de fidélité.

De plus, il est primordial que les entreprises créent de la confiance et de l’engagement affectif, pas seulement à l’égard de la marque, mais surtout à l’égard du programme de fidélité. L’article insiste ainsi sur la connaissance que l’entreprise doit avoir de ses clients et sur la segmentation souhaitable de la clientèle en fonction des valeurs individuelles afin d’appréhender de manière plus efficiente la construction de cette relation de confiance. L’importance de la ” data ” est ainsi implanté de manière similaire à l’international ne peut pas fonctionner et se caractérisera par une regrettable volatilité des clients qui se tourneront vers la concurrence. De manière plus concrète, le Brésil, la Russie et l’Allemagne sont des pays où règne une forte aversion au risque : il faut donc bâtir une réelle relation de confiance avec le client. De la même manière, les résultats montrent que la Chine et l’Inde ont des valeurs collectives fortes : le défi des entreprises est donc de construire un engagement à la marque afin que les consommateurs ne s’en détournent pas même si le groupe n’est pas en accord avec leurs choix.

Limites
La principale limite soulignée est la représentativité de l’échantillon : en effet, il faudrait conduire une étude similaire sur de nouveaux pays et sur un segment de population plus âgé pour avoir une vision plus globale. De plus, il faudrait conduire les recherches avec un produit à plus forte implication pour lequel la différenciation est également un élément clé dans le choix du consommateur, à dessein d’appréhender dans quelle mesure un programme de fidélité efficient peut compenser un produit « moins attirant» que celui de ses concurrents.

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