Mardumyan, A.; Sabadie, W. – Recherche et Applications en Marketing, Janvier 2024, Volume 39, Numéro 1, pp. 40-63, Fiche de lecture par : Mathilde Bertrandias
Sujet / Contexte
Cet article aborde l’impact de la médiation dans le processus de gestion des réclamations, particulièrement après une “double déviation” (c’est-à-dire un échec initial de service suivi d’une gestion insatisfaisante de la réclamation). Dans ce contexte, l’étude examine la médiation comme une solution supplémentaire pour préserver la relation client-entreprise après de telles défaillances. La recherche répond à un besoin croissant de médiation en Europe et explore comment l’intervention d’un médiateur neutre (interne ou externe à l’entreprise) peut influencer les intentions de fidélité des clients, en modérant la perception de justice distributive (l’équité de la solution proposée).
Question de recherche
L’étude vise à répondre aux questions suivantes :
- Quel impact a la décision d’un médiateur sur la qualité de la relation client-entreprise et les intentions de fidélité du client ?
- Comment le type de médiation (interne vs externe) influence-t-il l’effet de la décision du médiateur sur les intentions de fidélité des clients via la perception de justice distributive ?
Ces questions sont motivées par l’idée que la médiation, en tant que tierce intervention neutre, pourrait compenser la méfiance et l’insatisfaction des clients suite aux défaillances de service, notamment en renforçant la perception de justice et en favorisant un sentiment de réparation.
Méthodologie
L’étude comporte deux enquêtes empiriques pour tester l’impact de la médiation sur les intentions de fidélité et la qualité relationnelle client-entreprise :
- Étude 1 : Enquête de terrain menée auprès de 326 utilisateurs de vélos en libre-service ayant déposé une réclamation. Les participants ont été exposés à une médiation interne dans leur parcours de gestion de réclamation. Le questionnaire mesurait la justice distributive, la favorabilité perçue de la décision de médiation et les intentions de fidélité, contrôlant des variables démographiques comme l’âge et le sexe.
- Étude 2 : Expérience inter-sujets auprès de 680 participants recrutés en ligne, répartis aléatoirement dans des scénarios de médiation interne et externe, avec des décisions de médiation favorables ou défavorables. Les participants ont été invités à évaluer des items liés à la justice distributive et à leur confiance envers l’entreprise.
Les données ont été analysées avec des modèles de régression modérés pour évaluer l’impact des différents types de médiation et la justice perçue sur les intentions de fidélité.
Principaux résultats
Les résultats montrent que :
- Impact de la médiation sur la fidélité : La justice distributive perçue est un médiateur clé entre la décision du médiateur et les intentions de fidélité des clients. Une décision perçue comme favorable augmente les intentions de fidélité par le biais de la justice distributive, surtout lorsque le médiateur est interne à l’entreprise.
- Type de médiation comme modérateur : La médiation interne (gérée par l’entreprise) a un impact positif plus fort sur la fidélité post-médiation que la médiation externe, particulièrement après une décision favorable pour le client. En revanche, une médiation externe peut affaiblir la confiance et la fidélité du client, surtout si la décision est favorable au client, car elle peut être perçue comme une reconnaissance de la défaillance de l’entreprise.
Ces résultats montrent que l’indépendance perçue de la médiation joue un rôle dans la façon dont les clients interprètent les efforts de l’entreprise pour corriger les erreurs, avec des implications pour la stratégie de gestion de la relation client post-réclamation.
Implications managériales
Pour les entreprises, ces résultats soulignent l’importance d’intégrer la médiation interne comme une étape de gestion des réclamations. En offrant une médiation perçue comme juste et favorable aux clients, les entreprises peuvent renforcer la fidélité des clients, même après des défaillances multiples. La médiation interne, gérée directement par l’entreprise, est plus efficace pour maintenir une relation positive avec les clients, car elle est perçue comme un effort de l’entreprise pour assumer ses erreurs. En revanche, une médiation externe pourrait saper cette confiance si elle met en lumière des faiblesses perçues de l’entreprise dans la gestion des réclamations.
Les entreprises peuvent également adapter leurs pratiques en fonction des attentes de neutralité et de justice, notamment en veillant à ce que la médiation interne soit perçue comme indépendante pour maximiser son impact sur la fidélité des clients.
Limites
Les auteurs reconnaissent plusieurs limites à leur recherche :
- Généralisation limitée : L’étude se concentre sur des services spécifiques (vélos en libre-service et hôtellerie) et pourrait ne pas être généralisable à d’autres secteurs.
- Contexte culturel : L’étude est réalisée en Europe, où la médiation est bien établie, et les résultats pourraient différer dans d’autres régions où la médiation n’est pas courante.
- Impact de la médiation externe : Les résultats montrent des effets ambivalents pour la médiation externe, ce qui suggère la nécessité de recherches supplémentaires pour clarifier l’influence de la neutralité perçue dans différents contextes.
