Christophe Stourm & Eric T. Bradlow – International Journal of Research in Marketing, 2023, Fiche de lecture par : Marimay Sas
Sujet traité
L’article explore les effets d’une dévaluation de la monnaie de points dans le cadre d’un programme de fidélité en coalition, c’est-à-dire un programme regroupant plusieurs enseignes partenaires. L’étude se focalise sur les effets croisés de cette dévaluation sur le comportement des consommateurs, en particulier sur l’engagement et les achats réalisés dans les différentes enseignes membres. L’objectif principal est de comprendre comment une modification des règles de conversion des points affecte à la fois les comportements de rédemption et les dépenses ultérieures, en fonction du type de récompense et de l’enseigne fréquentée.
Mots clés : Programme de fidélité en coalition, dévaluation des points, effets croisés de récompenses (cross-reward effects), comportement du consommateur, rédemption de points, valeur perçue, engagement client.
Théories et concepts mobilisés
L’article mobilise cinq concepts théoriques principaux :
- Programmes de fidélité en coalition : Ces programmes permettent à des enseignes partenaires de mutualiser un système de points. L’article analyse comment les décisions prises par un membre du réseau (comme une dévaluation) influencent les comportements dans l’ensemble du système.
- Dévaluation de la monnaie de points : Une dévaluation consiste à augmenter le nombre de points nécessaires pour obtenir une récompense. Cela revient à diminuer la valeur perçue de chaque point. Ce changement est susceptible de perturber la relation client-marque.
- Effets croisés de récompense (cross-reward effects) : L’étude démontre que les décisions prises concernant une récompense spécifique (ex : dévaluation pour un bon d’achat dans une enseigne X) ont des répercussions sur les comportements d’achat et de rédemption dans d’autres enseignes du programme.
- Théorie du coût irrécupérable (sunk cost effect) : L’article évoque que certains clients continuent à dépenser ou à s’engager dans le programme, même après une dévaluation, car ils ont déjà accumulé des points (effet d’engagement passé).
- Théorie de l’utilité perçue : Les auteurs supposent que la valeur perçue d’une récompense influence le comportement futur des consommateurs, en modifiant leur motivation à accumuler des points ou à acheter auprès des enseignes participantes.
Conclusions de l’article
L’étude révèle que la dévaluation des points a des conséquences notables sur le comportement des membres du programme. Les clients réagissent différemment selon leur profil et le type de récompense visé. Les résultats montrent que la dévaluation entraîne une baisse significative des rédemptions de récompenses dévaluées, mais également un effet indirect sur d’autres récompenses non concernées. Cela confirme l’existence d’effets croisés négatifs. De plus, certains consommateurs, particulièrement ceux qui avaient prévu une rédemption dans un avenir proche, sont plus sensibles à la dévaluation et modifient leurs habitudes d’achat. S’y ajoute le fait que l’engagement global envers le programme diminue pour une partie des clients, ce qui peut à terme nuire à l’efficacité de la fidélisation. Cependant, une part des membres du programme reste engagée malgré la dévaluation, souvent en raison de l’effort passé (accumulation de points) ou d’une attache émotionnelle à certaines enseignes.
Les auteurs insistent sur le fait qu’une dévaluation, même partielle, peut avoir des conséquences systémiques dans un programme de fidélité partagé, notamment en affectant la perception de justice ou de transparence du système.
Implications managériales
Cette étude offre plusieurs recommandations pratiques pour les entreprises :
- Les gestionnaires de programmes de fidélité doivent évaluer les risques liés à une dévaluation, même ciblée, en prenant en compte les effets indirects sur la fidélité globale et les comportements dans les autres enseignes partenaires.
- Il est crucial de communiquer de manière proactive et transparente lorsqu’un changement est envisagé, afin de maintenir la confiance des consommateurs.
- Des stratégies de compensation (offres alternatives, bonus exceptionnels) pourraient aider à amortir les effets négatifs d’une dévaluation et éviter le désengagement.
- La compréhension fine des profils de clients et de leurs motivations (utilisateurs intensifs vs occasionnels) peut guider des décisions différenciées et mieux ciblées lors de changements dans le programme.
Méthodologie
L’article s’appuie sur un ensemble de données transactionnelles réelles issues d’un programme de fidélité en coalition. Les auteurs utilisent un modèle économétrique avancé pour mesurer les effets de la dévaluation, notamment un modèle de type difference-in-differences, permettant de comparer l’évolution des comportements avant et après la modification du programme, entre les différentes catégories de clients.
Limites
Les auteurs reconnaissent plusieurs limites à leur étude. D’abord, se concentre sur un seul programme de fidélité et une seule période de dévaluation, ce qui peut limiter la généralisation des résultats à d’autres contextes. Ainsi, les données ne permettent pas de mesurer l’impact émotionnel ou la perception subjective de la dévaluation par les clients, éléments pourtant importants dans les processus de fidélisation. Il est difficile de distinguer l’effet de la dévaluation elle-même d’autres facteurs contextuels (ex : évolution concurrentielle, changement d’offres produits, saisonnalité).”

